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Aides Pac Ce qui vous attend en 2010

Si les ponctions sont simples à identifier, il est encore impossible d'être précis sur les retours à l'échelle de l'exploitation.

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Les calculatrices chauffent. Une semaine après l'annonce du ministre de l'Agriculture de la réorientation des aides Pac pour 2010, voici quelques clés pour tenter d'en mesurer l'impact à l'échelle de vos exploitations. Toutes nos simulations ont trait aux aides du premier pilier de la Pac (soutiens aux marchés), couplées et découplées. Nous n'avons pas tenu compte des aides versées au titre du développement rural (deuxième pilier), du type de l'ICHN (indemnité compensatoire de handicap naturel) ou de la PHAE (prime herbagère agroenvironnementale).

Concrètement, en 2010, la réorientation des aides se fera selon un schéma qui devrait être le suivant: d'abord, un découplage total des aides aux céréales et oléoprotéagineux (Cop), dont 25% sont encore couplées, des primes à la brebis (dont 50% sont encore couplées) et des primes à l'abattage (gros bovins et veaux, dont 40% sont encore couplées). La PMTVA (prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes) sera découplée à 25%.

Des prélèvements identifiés

Ces aides, une fois découplées, seront mises dans un «pot commun», pour subir un premier prélèvement au titre de l'article 63: environ la moitié servira pour les surfaces herbagères, fourragères ou implantées en légumes de plein champ et pommes de terre de consommation, à revaloriser les droits à paiement unique (DPU) existants ou à en créer de nouveaux. Après cette première phase, la valeur unitaire des DPU sera modifiée une fois pour toutes.

Un second prélèvement se fera, au titre de la modulation, sur l'ensemble des aides à la production découplées et couplées. De 5% en 2008, ce transfert des aides vers le second pilier est porté à 7% en 2009 et 8% en 2010 (ensuite 1% par an, pour atteindre 10% en 2012). Ces fonds financeront la PHAE, l'ICHN, la politique à l'installation et les nouveaux défis (conversion à l'agriculture bio, plan de performance énergétique...).

Enfin, un troisième prélèvement au titre de l'article 68 affectera chaque année 5% de toutes les aides à la production couplées et découplées. Il permettra de créer des aides couplées aux productions fragiles (ovins, lait de montagne...), à l'agriculture durable, ou encore de financer une partie des primes d'assurances récolte.

Des retours incertains

Si les ponctions sont relativement simples à identifier, il est encore impossible d'être précis sur les retours pour chaque exploitation. En effet, les critères d'attribution des nouvelles aides ne devraient pas être connus avant l'automne.

On sait toutefois que la production laitière en montagne sera dotée d'une aide couplée de 0,02 euro par litre (20 €/1.000 l) dans la limite d'un plafond par exploitation.

Le soutien couplé aux productions de légumes de plein champ et de pommes de terre de consommation sera d'un montant maximal de 100 €/ha.

Le soutien à l'herbe passera par une revalorisation ou création de DPU dont le montant sera à taux maximal pour un seuil de chargement égal ou supérieur à 0,8 unité gros bétail par hectare (UGB/ha) sur les cinquante premiers hectares. Il sera inférieur au-delà. Ces montants, encore inconnus, seront dégressifs entre 0,8 et 0,5 UGB.

Les premières estimations tablent sur des DPU à l'herbe d'environ 70 €/ha, soit 700 millions d'euros (M€) pour 10 millions d'hectares (Mha) et de 20 €/ha pour les fourrages, soit 30 M€ pour 1,4 Mha. Ces estimations ne tiennent pas compte du traitement différencié des cinquante premiers hectares.

Autre incertitude: le reliquat des aides découplées en 2010 (environ la moitié du «pot commun» de l'article 63) n'est pas encore affecté. Cela représente entre 600 et 700 M€! Chaque filière (les grandes cultures pour les aides Cop et les éleveurs allaitants pour la PMTVA) est invitée par le ministre à se réunir dans le cadre de groupes de travail pour décider de l'affectation de ces sommes, en fonction des références historiques des exploitants ou selon d'autres clés de répartition, pour assurer un rééquilibrage des soutiens à l'intérieur des filières. Du côté des grandes cultures, Michel Barnier suggère que ces sommes favorisent les zones intermédiaires.

Un changement «brutal»

Fustigeant un ministre qui n'assume pas ses responsabilités jusqu'au bout, Philippe Pinta, le président d'Orama (Union des grandes cultures), a d'ores et déjà annoncé que son organisation ne participerait pas à ce groupe de travail.

La FRSEA du Centre et toutes les FDSEA des régions intermédiaires, comme celles du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie, demandent «instamment et fermement» que le ministre revoie sa copie. «Il faut un aménagement fiscal et social, sinon ce sera impossible de payer en 2010 les impôts et les charges sociales correspondant à l'année 2009, réclame Christian Durlin, président de la FDSEA du Pas-de-Calais. A défaut, nous risquons de voir disparaître trois mille exploitations, du jour au lendemain.»

Les céréaliers dénoncent surtout la brutalité du choc. Davantage de progressivité aurait été la bienvenue. L'AGPM (producteurs de maïs) dénonce des décisions qui «font fi de la réalité économique des exploitations de grandes cultures».

D'après la chambre d'agriculture des Landes, sur une exploitation de 185 ha (120 ha de maïs irrigué, 65 ha de maïs doux, 94 000 € d'aides), les pertes sont estimées à plus de 20% des aides, soit près de 110 €/ha en moins en 2010. Ce calcul ne tient pas compte de retours éventuels, notamment sur les surfaces de légumes de plein champ.

Le secteur ovin gagnant

Dans le Massif central, les premières estimations des chambres d'agriculture d'Auvergne sont plus optimistes. Pour les systèmes ovins herbagers (de 400 à 500 brebis sur 60 ha et 1,5 UTH – unité de travail humain –, en zone défavorisée), les aides augmenteraient de 35%. Le revenu par actif passerait de 8 000 à 15.000 €/an.

Pour les producteurs de lait de montagne (220.000 litres, 60 hectares fourragers, 2 UTH), les aides croîtraient de 20%, soit un revenu par actif qui passerait de 11.000 à 15.000 €.

Les producteurs de bovins allaitants (65 vaches allaitantes, naisseur, 100 ha principalement en herbe) devraient voir leurs soutiens croître de seulement 5% car ils contribuent au titre de la PMTVA, de la prime à l'abattage et des aides Cop. Mais ils bénéficient d'une revalorisation de l'ICHN et du soutien à l'herbe.

Pour les systèmes plus intensifs ou qui engraissent les animaux, l'effet devrait être plus «neutre».

 

Témoignage n° 1 - Thierry Singeot, éleveur laitier à Eancé (Ille-et-Vilaine)

«Nous allons continuer à jongler avec la Pac»

«Depuis le début de la Pac, nous nous adaptons, remarque Thierry, à la tête, avec son épouse, Carole, d'un quota de 443.000 litres. Nous allons continuer.» Les 25% d'aides végétales encore couplées perçues en 2008 représentent 5.500 € pour 62 ha primés. Les deux associés espèrent en récupérer presque la moitié via leurs 36 ha d'herbe et leurs 25 ha de maïs fourrage. «Il est encore difficile de se projeter. Mais, la semaine dernière, dans les allées du Salon de l'agriculture, la rumeur parlait d'une aide pour l'herbe de 60 à 65 €/ha. Cela représenterait un retour de 2.200 € sur notre exploitation. Comment nous adapterons-nous pour le reste? Cela dépendra des cours des céréales.»

Thierry et Carole cultivent de la luzerne qu'ils récoltent en foin. Les 4 ha correspondants devraient être éligibles au soutien aux protéines végétales. «Si le blé chute sous la barre des 130 €/t, nous pourrons en réorienter quelques hectares vers l'herbe et le maïs ensilage. Nous conserverons les 20 ha dont nous avons besoin pour la paille. Nous pourrions aussi augmenter la sole de luzerne, voire implanter des pois. Cela améliorerait notre autonomie. Nous ne perdons pas de vue que notre quota augmente chaque année.»

L'objectif est de limiter au maximum l'impact financier de la redistribution des aides. «Je pense que ce qui nous pénalisera le plus sera la modulation car elle ne tient pas compte des actifs présents sur l'exploitation. Le bilan de santé n'est sûrement qu'un début. Il nous faut nous préparer pour 2013.»

Témoignage n° 2 - Emmanuel pigeon,céréalier (Oise) : 125 hectares de céréales, betteraves et colza

«En 2010, plus que 9.000 euros par an pour vivre»

«Le plan de monsieur Barnier va se traduire chez moi par une perte des compensations Pac de 9 471 €/an. J'ai calculé que, si le cours des céréales ne remontait pas (132 €/t à Rouen, 117 €/t à la sortie de l'exploitation), en 2010, je n'aurais plus que 9.000 €/an pour vivre, 750 € par mois! Et sans aucune possibilité de réinvestissement. On se prend un sacré coup dans la figure. Pour que j'arrive à un revenu de 24.000 €/an, il faudrait que je vende mon blé 148 €/t. Et encore, j'ai fait le calcul avec les 8% de modulation + 5% pour l'article 68 (3.952 €) et avec 56% d'aides couplées (5.519 €). Si on nous prélève la totalité des aides couplées, ce sont 4.336 euros de plus qui disparaissent. Je n'ose même pas y penser! Je ne peux pas dire que je sois dans un mauvais secteur – mes rendements en blé sont de 85 q/ha –, ni que je gère mal mon exploitation – mes charges de structures (720 €/ha) sont inférieures à la moyenne. Ce plan nous place dans une fragilité extrême par rapport au prix des céréales. Si on a une baisse des cours, on est morts!»

Cédric Thomassin, qui exploite 240 ha dans le même département, est aussi très amer: «Mon bénéfice disponible, aujourd'hui de 30.000 €/an, va être amputé de 22.000 €, en retenant 56% des aides couplées. Si la totalité des aides couplées est prélevée, c'est 10.000 euros de plus! Avant de m'installer, j'étais cadre. Mon objectif en devenant agriculteur était de disposer, à terme, au moins du même revenu que lorsque j'étais salarié. Avec ce plan, c'est très mal parti!»

Témoignage n° 3 - Henri Loizeau, naisseur-engraisseur aux Herbiers (Vendée)

«Sans retour, j'ai peu de marge»

«Entre le découplage de mes PMTVA, des PAB, des aides Cop et la modulation, le bilan de santé de la Pac se solde par un prélèvement que j'estime à 7.400 €. J'ai l'espoir d'en récupérer une partie avec mes 37 ha d'herbe et mes 15 ha de maïs ensilage. Mais qu'adviendra-t-il de la moitié de la PMTVA et des PAB dont le sort n'est pas encore fixé?»

Henri, en plus des mâles issus de ses 70 charolaises, achète une trentaine de broutards chaque année pour son atelier d'engraissement. Il produit donc une soixantaine de jeunes bovins par an, ce qui, avec les vaches, lui donne droit à 80 PAB. Ses marges de manoeuvre sont restreintes. «Nous avons de petites structures dans la région, poursuit-il. Nous ne pouvons pas cultiver des céréales partout. La seule marge dont je dispose, ce sont mes 8 ha de blé. Je pourrais le distribuer aux taurillons, au lieu de le vendre.» Faute d'un retour de la totalité des aides animales prélevées sous quelque forme que ce soit, Henri risque d'être contributeur net au rééquilibrage, malgré la part prépondérante de l'herbe sur son exploitation.

«Nous avons aussi besoin de sécuriser nos débouchés grâce à la contractualisation. Sans signal positif des industriels, je crains que des engraisseurs cessent leur activité.»

Témoignage n° 4 - Fabrice Genin, agriculteur dans la Côte-d'Or sur 240 ha

«65 €/ha en moins en 2010»

«La réorientation des aides Pac nous ferait perdre 65 €/ha en 2010 et 80 à 90 €/ha en 2012, soit une baisse de 26% des aides. Je travaille avec un associé sur 240 ha de colza, blé, orge et moutarde, avec un potentiel de rendement limité (60 q/ha en blé). Sur mon exploitation en zone intermédiaire classique dans la Côte-d'Or, nous allons perdre 20.000 €/an sur les 75.000 euros d'aides totales. Cette estimation a été calculée en tenant compte des prélèvements de plus de la moitié des aides couplées (soit 40 €/ha), des 5% des aides à la production via l'article 68 et des 8% de modulation en 2010. Avec des prix comme en 2007 ou 2008, nous pourrions faire face à cette nouvelle situation. En moyenne, j'ai vendu le blé à 180 €/t en 2008 et le colza à 370 €/t. En 2009, les prix tendent plutôt vers 135 €/t en blé et 300 €/t en colza. A ces prix s'ajoute une hausse des charges. En 2009, l'équilibre se fera tout juste mais, en 2010, nous ne savons pas comment seront les marchés. Ces pertes de revenu pourront peut-être être compensées mais les retours envisagés par le ministre nous semblent difficiles à adapter chez nous. Les rendements en pois sur nos sols séchants ne seraient pas très élevés. La production de légumes paraît aussi compromise sans irrigation et sans débouché organisé. L'alternative serait de réaffecter le reliquat des aides couplées aux zones intermédiaires. Nous espérons ainsi récupérer 50 €/ha pour compenser une partie des pertes.»

 

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